La fraternité, chemin d'humanisation
La fraternité est un bien commun à bâtir ensemble, exigeant de ne rien céder sur les valeurs éthiques et spirituelles auxquelles nous sommes appelés et même tenus pour un monde plus humanisé.
Quelle liberté et quelle égalité possibles en absence de la fraternité. Les déchirures sociales, qui ont pour nom ghettoïsation – plus grave encore apartheid – ne peuvent être réparées que dans un sursaut de fraternité. La déserter, c’est consentir à des lieux de non droit où l’être n’est pas ou plus reconnu comme sujet de droit.
Martin Luther King rappelle qu’à continuer ainsi, nous deviendrons fous. Que de fois, nous avouons marcher sur la tête, mais pour autant la raison ne facilite guère le vivre-ensemble dont la source est la fraternité, laquelle n’est ni un sentiment ni une philosophie, mais une posture d’humanité témoignant de l’élévation de la conscience.
Ne rien céder au cynisme est un appel à résister contre les défaitismes se révélant des gouffres de la pensée, à partir desquels la fraternité est perçue comme une utopie, d’autant plus rejetée que l’art de gouverner est souvent un ‘faire croire’ via l’inflation des promesses, trace de mensonges avérés.
Or, la fraternité est au rendez-vous des moments de grande tension, de drames qui ne permettent pas de se payer de mots. N’est-elle pas une réponse concrète à l’appel de ceux qui sont dans une telle souffrance qu’ils ne peuvent pas s’en sortir seuls, tels les réfugiés fuyant leur territoire pour avoir besoin d’un refuge, d’une protection.
Reconnaissons que l’urgence témoigne souvent d’une fraternité se révélant une hospitalité où l’autre n’est plus regardé comme l’étrange ou l’étranger, mais comme un hôte épris de liberté et d’égalité. L’‘hôte’ ne se définit-il pas comme celui qui reçoit et celui qui est reçu ; une équivalence, sommet d’une fraternité.
En dehors des catastrophes naturelles, la fraternité reste atrophiée.
Le logement des plus fragiles non seulement est banalisé mais il est perçu comme une stigmatisation déchirant le tissu social, d’où des barrières et même des frontières que les politiques de mixité peinent à abattre. L’habitat social devrait être pensé en termes d’hospitalité ouvrant sur le ‘care’, ce prendre-soin si nécessaire au recul des hostilités.
L’acceptabilité de celui qui est différent met en jeu la question de la bienveillance dans une éthique de la relation qui interroge le langage : comment parlons-nous de l’autre et des autres.
Régis Debray, dans son essai, Le Moment Fraternité, évoque le fait que la fraternité est une belle endormie ; elle fait tapisserie ; aussi, nous invite-t-il à lui tendre la main pour faire quelques pas de danse.
L’image est judicieuse pour remettre au centre, plus encore au cœur des préoccupations, la fraternité, passage du possessif à l’inclusif relativisant les inégalités et les servitudes qui la blessent.
Un long travail sur soi est nécessaire pour introduire dans les rapports humains l’initiative de se trouver en face de l’autre non point en le surplombant mais dans une relation effaçant les ego pour comprendre qu’on ne naît pas frère, on le devient. (Régis Debray). Mais, à quel prix !
Soyez audacieux, exprimez votre point de vue !