Elever le débat plutôt qu’élever la voix
Les mots ne sont jamais innocents ; prononcés par les politiques, adeptes des phrases assassines, ils ont souvent pour dessein de faire réagir au risque d’être si excessifs qu’ils font rugir et rougir. La cohésion sociale s’en trouve alors abimée.
La bête immonde sommeille et se réveille. Qui n’a pas entendu des propos inacceptables dans des réunions publiques ou les représentants de la Nation sont insultés pour défendre les valeurs républicaines.
Ainsi, il y a quelques jours, à Forges-les-Bains dans l’Essonne, un bâtiment devant accueillir des demandeurs d’asile a fait l’objet d’un incendie sans doute criminel. L’enquête en cours confirmera ou infirmera cette hypothèse, malheureusement vraisemblable.
Alors que cet incendie intervient au moment où le Gouvernement décide de démanteler le centre de Calais, des responsables politiques disent non à une répartition sur le Territoire de ces exilés qui, expulsés de leur terre, recherchent un espace d’hospitalité. Au drame de leur déracinement, s’ajoute celui de nos hostilités, pour le moins de nos incompréhensions.
Comment accepter et pactiser avec cette haine à l’égard de ceux qui ne l’ont que trop connue.
Les mots que nous entendons ne sont pas sans rappeler une triste époque, annonciatrice du bruit des bottes. Il y a urgence à élever le débat plutôt qu’à élever la voix pour garder raison, veillant à ne pas mal nommer les choses pour ne point les aggraver, comme le rappelle Camus.
Ne pas élever la voix, c’est prendre le temps d’un discernement pour rechercher d’autres chemins que ceux qui nous sont présentés pour avoir été parcourus dans tous les sens et à contre-sens, d’où des impasses vers des terres brûlées, incendiant l’espoir.
A entendre ces propos sur l’étranger, nous pouvons légitimement être inquiets sur la fraternité. Ne serait-elle qu’un mot creux pour être oubliée ?
Refuser que nos territoires soient une terre d’accueil pour quelques milliers de personnes, c’est bafouer sans cause la liberté de ceux qui, victimes de violences, l’ont perdue.
Fermer les portes aux victimes d’un monde devenu fou, c’est ajouter notre propre folie née d’une peur délirante, entretenant des fantasmes mettant à mal l’égale dignité entre les hommes.
Elever le débat, c’est rechercher une sagesse. En aucune façon, elle ne saurait être assimilée à une mollesse s’agissant de substituer aux mots qui agressent inutilement et dangereusement, une parole constructive développant une éthique de la responsabilité.
Quand près de 6 millions de personnes sont en situation de chômage, que tant de jeunes sont désespérés pour n’entendre aucun appel à bâtir une société plus créatrice, ne serait-il pas l’heure de mettre en œuvre une attention au care.
Les fragilités de nature différente ne s’additionnent pas, mais tendent à faire émerger des acteurs déterminés à les réduire. La prise en compte de cette reconnaissance est une chance pour s’éloigner des stigmatisations alimentant ce refus de l’autre.
De nombreux exemples soulignent ces ouvertures trop souvent dans l’ombre. Les faire venir à la lumière mettrait à distance les lieux convenus qui ne sont que des non-lieux.
Pour relever le débat, la voix de l’intériorité doit être perçue, elle est celle-là même qui suscite doucement mais fermement un autre chemin, né de la conviction que chaque être est lui-même chemin, conférant à la rencontre la plénitude du sens.
Soyez audacieux, exprimez votre point de vue !