Ces drames qui nous mettent en marche
L’inacceptable et l’injustifiable se sont produits : des journalistes fusillés à bout portant, des hommes qui au nom de leur judéité sont assassinés par des « fous du diable ».
Mission accomplie, diront les deux frères assassins, enfermés dans leur délire meurtrier.
A ce refus de la liberté d’expression de croire et de vivre, la réponse est sans ambiguïté : un peuple s’est levé alors que le pessimisme l’abattait. Les conditions de la fraternité se sont réveillées pour refuser l’absurde.
La fierté de résister étreint notre Pays.
Le monde ne s’est pas trompé, la France est regardée. De nombreux chefs d’Etat participent à cette marche au nom de leur peuple. Qui n’est pas touché par la présence côte à côte du Premier Ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et du Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
L’urgence est de bâtir les conditions d’une fraternité pour refuser ces ruptures qui condamnent en même temps qu’elles condamnent nos Sociétés à des situations chaotiques et absurdes.
Cette marche est une libération, la France quitte ses doutes, forte de son unité.
Gardons en mémoire le mot « débarquement» ; il fait référence à l’histoire de la Résistance qui fut une école de fraternité.
Résister, c’est trouver des raisons de vivre qui conduisent à se lever pour dire non à l’indifférence et à l’iniquité ; leur acceptation, fût-elle passive, est violence faite aux plus vulnérables.
Privilégier la fraternité, c’est entrer en résistance pour livrer un combat contre ce qui déshumanise. Il n’y avait personne, dit Berthold Brecht, pour s’inquiéter, personne ; la lâcheté et la peur avaient tout emporté.
Quand la perte de l’altérité s’installe, les portes de la soumission et de la démission s’ouvrent vers les prisons intérieures, quand ce ne sont pas les maisons d’arrêt dont il est rappelé en ces heures dramatiques qu’elles sont aussi ‘écoles de conflits’.
Les prisons doivent être revisitées par nos valeurs républicaines. Il n’est pas tolérable de consentir à ce que dans ces lieux fermés se prépare le passage de frontières. Assaillis par leurs errements, certains deviennent les assaillants d’une Nation, plus encore d’une civilisation.
Les lieux fermés développent l’obscurantisme.
Aussi, convient-il de s’interroger sur les formes d’emprisonnement. La privation de liberté est une condamnation qui doit être assortie d’un temps de préparation à la réintégration dans la société. La juste peine ne saurait se pérenniser au-delà de sa réalisation.
Si une des valeurs de notre société est la confiance, elle est trop souvent mise à mal à l’égard de ceux qui ont connu ‘les barreaux’. La double peine est abandonnée mais dans les esprits elle demeure.
L’histoire nous rappelle que dans les moments de plus grand danger, toujours se sont levés des femmes et des hommes épris de liberté qui ont su susciter des perspectives nouvelles. Au regard de ce terrorisme, qu’il convient de nommer pour ce qu’il est une barbarie, s’imposent une fermeté -et elle n’a pas manqué au cours de ces trois jours – mais aussi une ferme détermination à trouver des propositions plus créatrices d’humanité.
Des millions de personnes, spontanément, au-delà des sensibilités spirituelles, philosophiques, politiques, se retrouvent pour rappeler que les libertés ne seront jamais bâillonnées, que le courage et l’audace l’emporteront toujours sur les peurs et que le respect des Communautés ne sombrera point dans un communautarisme.
L’émotion n’est pas indifférente à cette gigantesque mobilisation. Les responsables politiques parlent, fort justement, d’un « après 7 janvier ». Il doit être le temps de mesures pour lutter plus efficacement contre la violence, mais il doit aussi être celui d’une attention plus grande à l’égalité sans laquelle la cohésion sociale ne résistera pas.
Tout porte à évaluer que la Nation, comme elle vient de le témoigner, en a la capacité. Cette ‘marche’, présentée comme historique, la transcende.
La liberté rappelait René Cassin, n’est jamais acquise une fois pour toutes, elle est une création continue.
A cette création, nous voici appelés.
Bernard DEVERT,
Prêtre et Président d’Habitat et Humanisme
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