D’une indignation juste à une mobilisation, pour atténuer la violence de l’injustice
A partir de l’augmentation d’une taxe sur les carburants, nombre d’automobilistes ont revêtu un gilet jaune, soulignant combien l’impôt pouvait être anxiogène, d’où des désordres qui n’ont pas manqué avec l’occupation de péages et de ronds-points, puis de graves violences sur les personnes et les biens.
Des symboles de la République ont été saccagés, comme l’Arc-de-Triomphe, non par des membres des gilets jaunes mais par des casseurs, triomphant dans le désordre pour n’avoir d’autres préoccupations que de briser, violenter les forces de l’ordre, voire les assassiner s’ils l’avaient pu.
Reconnaissons que triomphe aussi ce qui ne justifie pas les exactions – cette folie de l’accumulation des biens et ce « vouloir gagner toujours plus », alors que tant de nos concitoyens sont victimes de ressources ne leur permettant pas de vivre décemment.
Ce constat, reconnu enfin au plus haut niveau de l’Etat, témoigne d’un système à bout de souffle, une forme de faillite nécessitant de remettre du sens et du bon sens dans les relations si nous ne voulons pas que cela se termine mal, c’est-à-dire, sens dessus-dessous.
L’idole « Mammon » qui fige les esprits et endurcit les cœurs ne pourrait-elle pas être déboulonnée avec la colère du peuple ; bien des prophètes le pensent.
Sur une grande chaîne d’information en continu, la Ministre de l’égalité des femmes et des hommes, lors d’un débat avec des représentants des Gilets jaunes soulignait les avancées du Gouvernement.
Ainsi, dit-elle, dans les quartiers difficiles un petit déjeuner est servi aux enfants scolarisés, rappelant l’adage « ventre affamé n’a pas d’oreilles ». Ce n’est pas l’aumône que nous demandons, répondit cette jeune maman, mais les moyens de vivre décemment pour offrir à nos enfants ces déjeuners. Un des enjeux du mécontentement était posé, celui du respect et de la dignité dus à chacun.
Ce 10 décembre, le Président de la République, sorti de son silence un peu tardivement, annonce des mesures évaluées à hauteur de 12 à 13 Md€ ; d’aucuns ne manqueront pas de regretter qu’il ait fallu la violence pour s’inquiéter de l’équité. Comme est difficilement déboulonnable l’idole « Mammon » !
Pour que cette crise sociale ne revête pas un caractère institutionnel, le Président de la République a décrété fort justement « l’état d’urgence économique et sociale ».
L’expression n’est pas banale ; elle traduit la reconnaissance d’une situation devenue dangereuse et inacceptable, appelant une réflexion et une inflexion politique pour mettre en œuvre les changements nécessaires sécurisant la paix sociale. La colère des manifestants est « juste à bien des égards », reconnaissait le Chef de l’Etat dans son allocution.
L’état d’urgence se définit comme un régime exceptionnel, mis en place par un gouvernement en cas d’atteinte à l’ordre public, de troubles graves, ou de calamités nationales.
Il est une avancée que l’injustice soit enfin considérée pour ce qu’elle est : un malheur. Il appartient à tous de l’effacer en veillant à ce que soient associés aux réformes tous les membres de la communauté nationale. C’est à cette condition que sera dissipé ce ressenti, largement exprimé, du mépris de ne pouvoir participer à l’avenir du Pays.
Cette exigence éthique ne viendrait-elle pas aider à faire d’un mal un bien.