15 octobre 2013 : petit-déjeuner du Club de l’Audace avec Son Excellence Madame Anne Dorte RIGGELSEN, Ambassadeur du Danemark en France
Son Excellence Madame Anne Dorte RIGGELSEN, Ambassadeur du Danemark en France
En France le slogan lors de la crise pétrolière des années 70 était « On n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». Au Danemark aujourd’hui, on a un autre slogan : « On a du pétrole, mais on a aussi des idées – des idées vertes… » Et ce ne sont pas que des idées.
Au fil de ces dernières décennies, le Danemark a développé un secteur de technologies énergétiques très fort. Pas seulement avec des grandes entreprises comme Vestas, mais aussi avec un grand nombre de petits fournisseurs qui alimentent le marché national ainsi que les marchés mondiaux avec des technologies, des marchandises et des services verts.
Permettez-moi de vous donner quelques chiffres pour montrer l’ampleur : Il existe au Danemark environ 22.000 entreprises qui produisent et vendent des produits verts. Ça veut dire qu’à peu près une entreprise sur cinq a une production verte. Une entreprise sur cinq – c’est beaucoup ! Et même si nombreux d’entre eux sont de petite taille – ce qui ne porte pas atteinte à leur attractivité ! – la partie du chiffre d’affaires des entreprises danoises qui provient d’une production verte est de 9,2 % – soit plus de 33,6 milliards d’euros. En termes d’emploi, 8,6 % des salariés des entreprises danoises travaillent dans le secteur vert. L’exportation danoise des technologies énergétiques représente maintenant 8,2 milliards d’euros, ce qui correspond à 10 % du total des exportations. Ceci nous permet de décrocher la palme du pays dans l’Union européenne, où la technologie énergétique constitue la part la plus élevée par rapport au total des marchandises exportées. Et maintenant, fini avec les chiffres !
Pourquoi le Danemark est-il devenu un pays tellement ancré sur la production verte, l’exportation verte et la croissance verte ?
D’abord, il y a des facteurs exogènes : Tout – ou presque tout – a commencé suite aux chocs pétroliers des années 70. Pour le Danemark, ce choc a eu un double effet : Tout d’abord de faire un effort supplémentaire pour mettre à point des solutions d’efficacité énergétique. Ensuite de poursuivre les possibilités d’exploitation des sources d’énergie sur le territoire danois. Dans le domaine traditionnel avec le pétrole et le gaz de la Mer du Nord. Et dans le domaine dit ‘alternatif’ en cherchant à exploiter ce vent, qu’on a en abondance au Danemark !
Ceci a permis au Danemark et aux firmes qui y ont contribué de se hisser au rang des leaders mondiaux dans les domaines de l’isolement, de l’extraction des gaz et du pétrole et surtout des éoliennes. Et cette aventure se poursuit : La volatilité des prix de l’énergie ainsi que les défis climatiques ont augmenté la nécessité d’une transition verte au niveau mondial, ce qui a créé une croissance forte de la demande en ce qui concerne les solutions vertes.
Mais peut-être plus intéressants sont les facteurs dû à la mentalité danoise : Les idées vertes font pratiquement partie intégrante de notre ADN de Viking, de protestant mais aussi de bons vivants du Nord. Nous recherchons à optimiser notre qualité de vie et la manière dont nous vivons ; ce que nous mangeons ; ce que nous respirons ; la manière dont nous nous comportons ; et ce avec quoi nous nous entourons. Tous ces éléments de notre quotidien jouent un rôle extrêmement important. La logique à vouloir produire vert, réfléchir vert, travailler le design et le confort tout en respectant l’environnement et nos portefeuilles reflète donc un style de vie que nous perpétuons, malgré nous, tellement c’est inné. Et tant mieux !
Ces entreprises vertes qui vont si bien au Danemark
Tout d’abord, il y bien sur l’industrie éolienne : Le Danemark a été le premier à expérimenter l’offshore dès 1991 et cela a permis une très grande avance en forme d’une industrialisation autour de grands turbiniers comme Vestas et Siemens Windpower. Ainsi la filiale comptait environ 8.500 employés l’année dernière. Les exportations représentent 64 % et l’industrie éolienne danoise est fermement assise sur le marché mondial de l’énergie éolienne, avec une part du marché de 25 %. C’est aujourd’hui une filière très performante et en croissance continue.
Puis, il y a les réseaux de chaleur : le choix d’une production d’énergie décentralisé a également donné lieu à une voie industrielle autour de la production, de l’optimisation et de la distribution de l’énergie par des réseaux de chaleur. Des sociétés danoises connues comme Grundfos, Danfoss, Kamstrup et Logstor ont ainsi trouvé au Danemark un terrain d’exploration à grande échelle qui pourra servir comme modèle. En fait, le groupe français Schneider Electrics vient d’acheter une structure danoise, 7-Technologies, justement pour pouvoir bénéficier du savoir-faire danois dans ce domaine.
Enfin le bâtiment : On a depuis les années 80 entreprit un processus de rénovation des bâtiments privés et publics. Ce processus a gagné en ampleur au cours des années, et il va se poursuivre dans les années à venir, avec pour objectif une réduction de 50% des dépenses énergétiques dans les bâtiments d’ici 2050. Il y a même une petite filière française : « la Maison Air et Lumière », une maison témoin Velux dans laquelle une famille française a vécu toute l’année dernière dans le but d’allier grand confort et efficacité énergétique et ainsi servir de modèle d’habitation concrète, avec des solutions énergétiques tout à fait accessibles aujourd’hui.
Il faut du temps pour réussir une transition énergétique
Le Danemark s’est aussi lancé sur d’autres terrains. Notamment sur des projets de symbioses industrielles bien avant que l’économie circulaire rentre dans le discours de la transition énergétique en France et ailleurs. Nous ne sommes peut-être pas arrivés au but souhaité dans tous les domaines, mais cela n’est pas grave. C’est certes coûteux, mais ce n’est pas sans intérêt. Cela fait partie de notre histoire ; nous avons plutôt tendance à regarder avec enthousiasme les projets qui réussissent, et d’accepter que les essais ratés font aussi partie du « chemin ».
Notre expérience est qu’il faut du temps pour réussir une transition énergétique. Il faut tenir un cap et il faut réussir le plus difficile, c’est-à-dire faire en sorte que tout le monde comprenne et adhère aux efforts à fournir. La création de filières industrielles vertes prend du temps. J’espère que la France pourra s’inspirer de nos expériences et je vous invite à bénéficier de notre savoir-faire dans ce domaine. Nous avons beaucoup de points en commun, et surtout nous partageons une vision d’un monde plus vert !
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Les énergies renouvelables peuvent être un bon investissement
Dans ce contexte, la coopération et la mutualisation de compétences européennes n’est pas une mauvaise idée pour renforcer la compétitivité de chacun et pour préserver l’industrie européenne. La demande de « contenu local » dans les marchés nationaux est très naturelle et permet de légitimer l’allocation de budgets importants notamment vers la filière des énergies renouvelables. Mais la compétitivité des entreprises européennes restent toujours un facteur-clé et c’est là où il est important de penser à optimiser les compétences à travers les frontières de l’Union. En bref: le Danemark est bien préparé pour la nouvelle perspective économique. On a fait des efforts continus et intensifiés pour promouvoir et maintenir une transition verte. Notre expérience montre qu’il y a de bonnes raisons pour s’engager dans la transition énergétique et de s’orienter davantage vers une croissance verte. Et surtout : Le cas danois montre que les investissements dans les énergies renouvelables peuvent être un bon investissement – pour les entreprises qui s’y engagent, mais aussi pour notre pays. J’espère que peut-être ce discours a pu servir d’inspiration. Merci pour votre attention !
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